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La belle échappée

25 septembre 2020

La belle échappée

Le confinement

 

La solitude en cette période de confinement est oppressante. Le temps est suspendu avec ce monde qui ne tourne pas rond. 

 

Je vis dans mon petit studio parisien de 30 mètre carré. Je vis ma vie de bobo, de parisienne, de "parigote" et je n'ai jamais autant détesté Paris et ses Parisiens, la ville, ces immeubles, ces voitures, ces routes, cette pollution, ce goudron, et ses flics...

 

Je tourne en rond comme un poisson dans un bocal, un rat en cage, une fraiche célibataire dans son studio. 

 

Tu m’as quitté le 26 avril. Ce n’était pas la première fois.  Mais cette fois-là, c'est du sérieux. C'est « irréversible et définitif » m’as-tu dit. « Sais-tu qu’il n’y a pas de retour en arrière possible ? T'es sur ? C'est vraiment ce que tu veux ? » t’ai-je demandé. « Oui. Ça ne sert à rien de s'acharner. Ça ne colle pas entre nous ».

 

Alors quoi ? J'ai fait tout ce chemin ? Ces 300 kilomètres pour toi, avec mon chat, ma grosse valise, pendant le confinement, pour que tu me largues une semaine après ?

 

Qui a insisté pour que je vienne ? Toi. Qui m'a dit que je lui manquais ? Toi. Qui m'a dit « T’aime » ? Toi. Qui m'a dit « j'ai été con, je suis désolé, je regrette, j’ai eu peur de nous abimer mais je crois que c’est normal d’avoir peur quand on aime » ? Toi. Qui m'a dit « je ne veux pas te faire souffrir ? » Toi. Qui m'a dit « je ne voulais pas te briser le cœur ? » Toi. « Je m'inquiète pour toi », « Donne-moi de tes nouvelles », « Je veux que ça continue entre nous », « je t’aime toujours ». Toi, toi, toi et encore toi. C’était entre le 1er et le 16 avril.

 

Et je suis donc venue le 16 avril. Je suis venue comme s'il en allait de ma vie. Il fallait que je quitte Paris pour retrouver tes bras, tes baisers, ton amour, ton sexe. J'ai senti devoir fuir ce douloureux quotidien parisien que je subissais déjà depuis un mois. J'ai senti qu'ici je devenais folle, folle sans toi, sans toi mon amour.

 

Ah ! Combien ce confinement m'est douloureux !

 

Tu m’as quitté le 14 mars. Tu m’as dit ne pas vouloir t’engager avec quelqu’un comme moi, quelqu’un qui « boude ». Tu m’as dit être triste à l’idée de te séparer de moi et tu m’as demandé de nous revoir après le confinement pour en discuter.  Bien sûr que oui, il nous faut discuter. Mais, encore amoureux, nous continuions de nous balancer des messages d'amour, des « je t'aime », des « tu me manques », des cœurs, des baisers, des bonne nuit « mon chéri », bonne nuit « ma chérie ». Mais où en étions-nous ?

 

 « C’est terminé entre nous ? » t’ai-je demandé. Et tu m’as répondu « je ne sais pas, il faut qu’on discute ». « Appelons ce soir » implorais je, « je vais essayer » m’as-tu répondu. Tu ne m’as jamais appelé.

 

Tu as commencé à prendre tes distances. Tu ne m’écrivais plus spontanément. Tu m’oubliais au fur et à mesure du temps. C’était entre le 14 mars et le 22 mars.

 

Et pourtant moi, j’avais besoin d’une réponse. J’ai insisté pour tuer l’ambiguïté. Tu m’as donc avoué :

-       « c’est mal parti entre nous. M’impliquer plus avec toi pendant ce confinement serait cruel si c’est pour nous séparer après 

-       ok, merci pour ta franchise. Je considère donc que c’est terminé terminé. Cessons de nous écrire. Nous verrons après le confinement si nous nous revoyons pour en parler. Mais entre-temps, ne reviens plus vers moi. Tu m’as cassé le cœur. Sache-le ».

 

C’était le 22 mars.

 

Nos « je t'aime », nos « cœurs », nos « baisers » m'avaient embrouillé.

 

S'en est suivi, des larmes. Un cœur qui se tordait de douleur. Des crises de panique. Je ne pouvais plus respirer. Mon couple, mon amour ne survivait pas à cette foutue pandémie. Tout est de la faute de la pandémie !

 

J'ai enfoui ma tête dans les étoiles dans un ciel plein de nuages. J'ai pensé à toi. Ton Chez toi. Chez tes Parents. Là où tu étais. Là où je n’étais pas. Ces montagnes. Ces plaines. Ces étendues de verdure, de foret. Cette odeur particulière de l'herbe mouillée. Et ce magnifique ciel étoilé que j’ai admiré avec toi lorsque je suis venue pour la première fois. Ce ciel étoilé, je crevais d’envie de le revoir encore une fois avec toi.

 

Alors, je me suis allongée sur mon tapis à la fenêtre. J'ai regardé en l'air. Le temps passait. J'étais choquée. Paralysée. Muette. Douloureuse. Les larmes me remontaient de l’estomac jusqu’aux yeux. Et je me remémorais chacune de tes paroles pour essayer d’en trouver le sens.

 

Tu n'étais pas bien avec moi. Je te stressais car des fois je boudais et j’étais hypersensible et j’avais un langage trop soutenu et un phrasé trop aiguisé. C'est pour ça qu'il fallait se séparer. Pas d'avenir ensemble du coup, disais-tu. A cause de tout ça, je t'insupportais. Mais tu m'aimais... disais tu. 

 

Je pensais à toi. A ta vie parfaite. A ton cocon de 300 hectares, ne manquant jamais de rien, divinisé par une maman sacrificielle et aimé par un papa millionnaire qui a réussi par la force de son cerveau. Tu dis rester simple malgré ton fric. Je ne le crois pas. Même si tes joggings sont sales, tes pantalons troués, tes t-shirts puant la transpiration, tu restes et demeures un enfant roi gâté et capricieux qui ne supporte pas ne pas être adulé constamment. Tu ne supportes pas qu'on te résiste, qu'on te dise non, qu'on te tienne tête par la parole ou par l'indifférence ou par les larmes face à tes colères. 

 

« L'autre » t’est insupportable. Je t'étais insupportable.

 

L’image que j’ai est celle d’un homme sur une plage qui me construit un château de sable pour me faire plaisir. Je suis heureuse, contente, souriante, dansante et amoureuse en voyant ton chef d’œuvre. Alors, tu passes le bras au travers de ce château qui s’écroule emporté par le vent dans un nuage de poussière. Je pleure. Et c’est avec un regard vide, sans expression, sans émotion, en me fixant que tu me demandes : « mais, tu pleures ? Ça me fait de la peine que tu pleures ».  Je comprends désormais que tout ça n’était qu’un jeu pour toi pour faire pleurer les petites filles.

 

 

 

 

Ma décision

 

Je t’avais bloqué. Téléphone, Facebook, Instagram, whasps App… rien n’échappait à mon courroux. Mes amis félicitaient mon courage en cette période de confinement ! Tu m’avais fait souffrir et je méritais évidemment mieux que ce yoyo sentimental. Tu ne savais pas ce que tu voulais. J’étais une femme de valeur disais-tu. C’est vrai. Et j’ai de la valeur. C’est pour ça que je ne pouvais pas accepter tes « je t’aime » de pacotille qui à peine prononcés étaient menacés d’extinction pour des raisons insensées.

 

J’étais décidée, vaillante, forte, solide ! Désormais, je ne te laisserai plus m’atteindre ! J’avais compris que tu ne m’aimais pas.

 

Car, il était évident que si tu m’avais aimé, tu ne m’aurais pas lâché au pire moment de notre Histoire : le confinement. C’était irrattrapable, impardonnable.

 

Qu’est ce qui m’a pris de t’aimer ? De vouloir te protéger ? Te sécuriser ? Être au petit soin avec toi. Promener ton chien, faire la vaisselle, te faire du café, t’inviter, faire trois heures de train allé, trois heures de train retour, tous les weekends, pour ce petit bout d’amour qui n’était finalement que du rien. Mes sentiments étaient bien trop beaux pour toi, trop pur, trop vrais, trop sincère.

 

Et si tu revenais… je ne le saurais pas car j’ai tout bloqué. De toute façon, tu ne vas pas revenir. Je t’ai demandé de ne pas le faire. Tu vas respecter ma demande, j’en suis sûr. Sauf si tu es amoureux. Un homme amoureux revient toujours avec des excuses plein la bouche. Mais si tu reviens, je ne le verrais pas. Je dois donc te débloquer… juste pour voir si tu reviens… de toute façon, je serais assez forte pour ne pas tomber dans un piège. Et puis tu ne m’aimes pas, donc tu ne reviendras pas. Je ne cours donc aucun risque. Je te débloque le 25 mars et le 25 mars, je reçois deux messages de toi.

 

La reconquête

 

Le premier message pour me dire que tu espérais que j’allais bien. Le second, que j’avais mal interprété tes propos et que tu ne comprenais donc pas ma réaction : tu n’aurais jamais menacé de rompre « forcément » et, me briser le cœur, c’était la dernière chose que tu voulais. Je n’ai pas répondu.

 

Les jours passent. Je veux t’écrire mais je me l’interdis. Le 30 mars, tu m’envoies : « Je suis inquiet. Dis-moi au moins si tu vas bien ». J’entends mes propres battements de cœur. Dois-je te répondre ? Comment te répondre ?

 

Tu es poli alors, soyons poli aussi. « Je vais bien merci. J’espère que tes proches et toi allaient bien ». Tu commences par me répondre par des lieux communs. Puis, tu craques : « que nous est-il arrivé ? Pourquoi nous en sommes là ? Tu me manque. Je t’aime. Je ne veux pas te faire souffrir. Tu me manques. Je veux te voir. J’ai envie de toi. Je t’aime ».  Tes mots raisonnaient en moi et me secouaient. Comme quand tu me secouais en implorant « Arrête de pleurer ! Arrête de pleurer ! Arrête de pleurer … ».

 

-       « J’ai saboté volontairement notre relation car tu m’insupportais. J’avais peur de nous gâcher. Mais je me suis rendu compte avec la distance que tu me manquais et que je t’aimais. C’est normal je crois d’avoir peur quand on aime. J’ai été con. Je suis désolé.

-       J’ai besoin de temps pour te redonner ma confiance.

-       Je comprends. Je ne sais pas quoi te dire pour te rassurer. Toujours est-il que je t’aime et que je veux que ça continue. Viens chez moi. En auvergne. Tu seras mieux que dans ton studio. Je veux te voir. Tu me manques. Tu ne vas pas bien ma chérie. Ne sois pas seule. Je ne peux pas te laisser seule. Tu me manques. Tu es jolie. T'aime ».

 

Et je m'imaginais déjà regarder les étoiles avec toi, soulagée par ta proposition de venir te rejoindre car c'était là la preuve d’amour que je cherchais. Être ensemble. Nous aimer. Nous soutenir. Nous faire l'amour. Nous balader. Et surtout, regarder tes étoiles.

 

« J’ai peur de nos disputes » t’ai-je dit. Tu m’as envoyé un cœur en me disant « que sera sera ».

 

Amoureuse, je me suis engouffrée dans l’espoir que tu faisais renaitre. Je t'ai donc laissé une nouvelle chance de me blesser, chance que tu as su parfaitement saisir.

 

La fuite

 

Alors, on a réfléchi ensemble à enfreindre la loi. Moi qui n'avais commis qu'un seul crime dans ma vie : voler les robes de poupées qui ne m’appartenaient pas car je les trouvais jolies. J’avais cinq ans. 

 

J’ai trouvé une solution. On trouve toujours des solutions quand on aime. J'ai demandé une attestation employeur pour rejoindre le siège social de notre entreprise située en auvergne. Ça m’a été accordé. J'ai t'ai rejoint toi au lieu du siège social. 

 

Alors, c'est avec une envie pressante comme une envie de pisser que je suis partie de mon confinement parisien, du jour au lendemain. J'ai fait ma valise. J’ai repassé mes robes. Je n’ai pas pris la peine de ranger mon appartement, pas le temps.

 

On est le 16 avril. Il est 13h. Mon train part à 14h02. Mon chauffeur Uber arrive dans cinq minutes. Je dois prendre mon chat et le mettre dans son sac de voyage. Il résiste. Il fuit. Il court partout dans l’appartement. Je le rattrape. Je le remets dans son sac. Il sort la tête de son sac, puis une patte, puis deux. Je n’ai plus le temps. Le chauffeur m’appelle. Je ne réponds pas. Je remets mon chat dans le sac et je force la fermeture éclair. Elle se déchire. J’ai la tête qui tourne. Comment faire ? Je n’ai pas d’autres sacs de voyage. Toutes les boutiques sont fermées, confinement oblige ! Non. Je ne veux pas encore passer un weekend de plus ici, à Paris, dans cette crasse, sans toi, sans tes bras, sans tes baisers, sans ton amour. Non, je ne veux pas te décevoir. Je t’ai promis venir aujourd’hui. Je dois tenir ma promesse. Le train risque de partir sans moi.

 

Ma main fera office de fermeture éclair. J'ai donc pris dans une main ma lourde valise entièrement rempli pour la fin du confinement. Dans l'autre main, j’empoignais et je serais le sac de voyage de mon chat pour ne pas qu'il s'enfuit.

 

Allez, on y va.

 

J'arrive à la gare. Pas de flics. Ça pue. Ça sent la merde. Mon chat a chié dans le sac de voyage.

 

Je rentre dans le train. Les toilettes ne s’ouvrent pas avant que le train démarre. Je m’assois. J’attends que le train démarre. Des passagers entrent. Ils passent à côté de moi : « ça pue ». J’ai honte. Je me lève. Je prends mon chat. J’attends près des toilettes. Le train ne démarre toujours pas. Le contrôleur nous informe que le train a vingt minutes de retard. Je retourne m’assoir mais cette fois, je m’isole. Le train démarre. Je vais aux toilettes. Je lave le sac de voyage de mon chat. Et je toilette mon chat. Je retourne m’assoir. « Tout va bien, j’arrive » t’ai-je écrit. Je ne serai pas renvoyée à Paris ! Ce soir, je serai avec toi, dans tes bras mon amour. Je t'aime. Je t'aime. Je t’aime.

 

Les retrouvailles.

 

J'arrive en « zone libre » à Vichy. Que c’est ironique pour une juive ashkénaze !

 

C’est la campagne. Ça sent bon. Des paysages à perte de vue ! Des montagnes, des vallées, des plaines, des fleurs, des arbres, la nature, les oiseaux, la liberté ! Je ressens l’immensité du monde me pénétrer. Je suis soulagée. Je souris dans ce taxi qui m’amène à toi.

 

Et je te vois. Souriant. Doux. Affectueux. Nous nous enlaçons sans rien nous dire. Nous nous serons dans les bras l’un de l’autre, fort, fort, fort, sans rien nous dire.

 

Et quelques jours plus tard, tu me quittais.

 

Ton déclic

 

Nous prenons un bain ce dimanche 26 avril. Tu parles de toi, toi, toi, comme à ton habitude. Moi, j’ai arrêté de parler de moi. Hier, tu m’as crié dessus car je te faisais « chier » et que j’étais « chiante ». J’étais recroquevillée sur moi à l’autre bout de la baignoire. Toi, tu étais entièrement allongé dans cette baignoire.  « Mon dos, il est beau ? Je ne suis pas beau. Je suis normal. J’ai grossi. Je m’en fiche. Ce n’est pas grave, je draguerais les filles avec mon intelligence. Tu es jalouse ?». Je ne réponds pas. Je sors de la baignoire et je vais m’allonger dans le lit. Je me cache sous la couette et je pleure.

 

Tu arrives dans la chambre. Tu joues aux jeux vidéo. :

-       « qu’est ce que tu as ?

-       Rien. Enfin, je ne veux pas en parler.

-       C’est lié à moi ?

-       Non. Oui. Enfin, je ne veux pas en parler.

-       Qu’est-ce que je peux faire ?

-       Rien.

-       Je t’aime ma chérie !

-       Oui ».

 

Tu ne peux rien y faire. Tu as 26 ans, j’en ai 34. J’ai presque dix ans de plus que toi. Plus nous passerons du temps ensemble, et plus je m’enlaidirais en vieillissant. Je ne pourrais pas rivaliser avec les filles que tu iras draguer avec ton intelligence. Et tu ne me rassure pas car tu ne m’as jamais rien promis et tu ne me promettras jamais rien.

 

-       « J’en ai marre. Tu ne veux pas parler. C’est relou.

-       Je n’ai pas envie de parler, j’ai le droit.

-       Ça me soule.

-       J’ai été blessée quand tu as projeté que tu draguerais d’autres filles.

-       Ah ! Tu vois ! Il y a quelque chose ! Tu m’as mentit ! Tu m’as dit qu’il n’y avait rien ! Tu es une menteuse et une hypocrite ! Tu m’insupportes ! Je bouillonne depuis toute à l’heure ! C’est bloquant pour moi ! Tu es une menteuse ! ».

 

Je ne réponds pas. Je n’ai pas d’énergie pour ta colère.

 

-       « Tu cherches un billet de train ? me demandes tu en me voyant tapoter sur mon téléphone.

-       Non, je joue.

-       Ça me soule. On arrête là.

-       On arrête quoi ?

-       Cette relation. ».

 

Tu es calme. Tu continues de jouer sur ton jeux vidéo.

 

Je rampe sur le lit vers toi larmoyante « regarde-moi dans les yeux !  C’est comme ça que tu me largues ? ». Tu te retournes et tu souris, gêné. Je me recroqueville sur moi. Je plonge ma tête dans mes genoux faute de la plonger dans tes étoiles. Et je te répète enlarmée : « je te déteste, je te déteste, je te déteste ». Tu cesses de jouer.

 

Tu m’enlaces et tu gerbes tout un flot de paroles :

-       « Ça ne marchera pas entre nous. Ça ne sert à rien de s’acharner. Je n’ai pas envie de perdre mon temps avec toi. Je préfère arrêter maintenant car ce sera plus difficile après. Je ne suis pas l’homme de ta vie. Il te faut quelqu’un de plus doux, de moins brutal. Je te vois bien avec un bobo.  Mais si tu veux, on peut continuer comme ça encore un an. J’ai été impulsif, je ne dois pas prendre la décision de rompre avec toi sur un coup de tête. Et si on reste ensemble, ce n’est pas du temps perdu pour moi car j’aime passer du temps avec toi. Et puis, ce n’est que 5% de notre couple qui ne va pas. Non ? Tu ne veux pas ? J’arriverais toujours à la même conclusion. Je ne changerai pas. Tu m’insupportes. Tu m’énerves alors je ne vois pas d’avenir.  Mais pas tant que ça. J’ai besoin d’une femme qui me réponde. J’ai eu un « déclic ». Je préfère arrêter maintenant parce que notre couple est beau, après, il sera moche. J’ai déjà vécu ça avec mon ex. Je ressentais que j’allais dans le mur avec elle. Et je ressens ça avec toi aujourd’hui.  Je dois m’écouter maintenant. Si je ressens ça, c’est que ça va arriver. Bon, elle m’a trompé. Pas toi. Mais, je ne veux pas me sentir coincé en couple. Je ne me projette pas avec toi. Tu apportes un mauvais « mood ». Tu es toujours triste et ça me stresse. Nous deux, c’était fort au début, c’était passionnel. Il n’y a que 10% des couples passionnels qui marchent. Qu’est-ce que tu crois, pour moi aussi c’est dur ! J’y ai cru…

-       Tais-toi. Je ne veux pas savoir. Je ne veux rien entendre. Je ne vais tout de même pas te consoler ! C’est ta décision ! Tu assumes !

-       Mais…

-       Je n’en ai plus rien à foutre maintenant.

-       Tu mérites mieux.

-       Tout le monde mérite mieux qu’un homme qui vous largue tous les quatre matins ».

 

J’ai essayé de comprendre la logique de tes mots et de te faire comprendre l’injustice criante que je ressentais :

-       « Ça ne te fais rien de me quitter ?

-       Si. Mais je réaliserais une fois que je serai seul.

-       Si ça te stresse quand je boude, c’est que tu m’aimes ?

-       Oui, bien sûr, si je ne t’aimais pas, je m’en foutrais.

-       Alors tu me quittes parce que tu m’aimes ?

-       Qu’est-ce que tu cherches à faire ?

-       Rien, j’essaie de comprendre. Pour mon mauvais « mood », tu as des exemples ?

-       Non, je n’ai rien de factuel. C’est du ressenti. Je suis une éponge.

-       Tu sais que c’est définitif ? Pas de retour en arrière possible ?

-       Je sais.

-       C’est terminé terminé ?

-       Oui. C’est irréversible.

-       Mais quand est-ce que tu as réfléchi à rompre avec moi ?

-       Toutes les fois où tu boudais.

-       Je suis si lourde à porter que ça ?

-       Non.

-       Je suis si insupportable que ça ?

-       Mais non… 

-       Tu as rompu sous le coup de l’impulsivité ?

-       Non. Pourquoi tu crois que c’est impulsif ?

-       Je ne sais pas… parce que tu me quittes, me reprends, me quitte me reprends… cette fois c’est définitif ?

-       Oui.

-       Je ne comprends pas. Tu m’as fait venir jusqu’ici en me disant m’aimer et en me disant vouloir continuer et tu me largues une semaine après ?

-       J’ai eu un déclic. J’ai changé d’avis.

-       Je n’aurais pas dû venir. J’ai écouté mon cœur et pas ma raison.

-       Moi aussi j’ai écouté mon cœur et pas ma raison en te demandant de venir… je m’étais dit que ce n’était pas normal que tu me manques autant… alors j’ai voulu que tu viennes… cette fois, j’écoute ma raison.

-       Je ne comprends pas. Comment peux-tu dire « je t’aime ma chérie » et « on arrête » en moins de cinq minutes ?

-       C’est comme ça ! Ça arrive de se quitter alors qu’on s’aime !

-       Tu es égoïste !

-       Tu peux rester ici jusqu’à la fin du confinement.

-       Ce n’était pas le moment de me quitter…

-       Je suis désolé.

-       De toute façon je ne me projetais pas avec toi. Tu es trop instable, tu me largues tous les quatre matins, je mérite mieux !

-       Alors, il fallait arrêter. 

-       Je ne voulais pas retourner à Paris après le confinement. Je voulais rester avec toi. Je voulais être avec toi. Je voulais vivre avec toi.

-       J’ai besoin d’être seul.

-       J’ai envie de toi ».

 

On a fait l’amour. « Ça va me manquer » m’as-tu dit. Je n’ai rien répondu.

 

Qu’avais-je bien pu faire ? Moi j’ai vécu une époque où, quand on disait « je t’aime » à l’autre, ça comptait...

 

J’ai pleuré toute la nuit. J’ai fumé trois cigarettes moi qui avait arrêté de fumer depuis trois ans. J’ai effleuré l’une d’entre elles sur mon bras pour ne plus ressentir ma douleur de dedans.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Notre dernière journée

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

Ce 27 mars, je m’endors le matin dans tes bras. Je me réveille aussi dans tes bras. J’ai mal à la tête. J’annule toutes mes réunions et je pose un RTT car je me sens mal.

 

Je fais ma valise. Tu me sers la main : « tu as besoin d’aide ? ». Dieu que tu es cruel ! Dis-moi qu’hier, c’était un coup de tête, un coup de folie ! Que tu ne pensais pas ce que tu m’as dit ! Dis-moi que tu m’aimes ! Demande-moi de rester ! Enlace-moi, embrasse-moi, aime moi, ne me quitte pas !

 

Nous discutons : quand est ce que je pars ? Je veux rester jusqu’à la fin du confinement car tu me l’as proposé et à Paris, je deviens folle et tu le sais. Toi, tu préfères que je parte le weekend prochain.  Je ne peux pas partir le weekend du 1er mai… nous sommes confinés et les risques de contrôle sont élevés, l’oublies-tu ?  Les trains c’est en semaine. Il n’y a qu’un train par jour pour Paris, à 9h04. Le matin, c’est compliqué car je travaille. Il faut que je désorganise mon emploi du temps et que je réorganise des réunions. Soit je pars le jeudi 30 avril, soit je pars le mardi 5 mai. Va pour le mardi 5 mai.

 

Tu m’attrapes le bras : « qu’est-ce que c’est ça » ? Je reprends mon bras, énervée : « ça ne te regarde pas » ! « Tu t’es brulé avec une cigarette ? ». Je ne réponds pas.

 

Je sors pour gouter encore un peu la liberté fraichement retrouvée et déjà perdue. Je cherche l’amour de mes amis en les informant de mon infortune. On me console. On me cajole. On me rassure. On m’aime.

 

Je reviens dans ta chambre :

-       « Si tu restes pour apporter un mauvais mood, autant que tu partes demain ! Soit on profite de nos derniers instants ensemble, soit tu t’en vas !

-       Je ne comprends pas…

-       Ben, tu rentres, tu sors, tu fais quoi ?

-       Je téléphone à mes amis pour leur parler…

-       Ok. Ce que tu as fait sur ton bras, c’est inadmissible ! La prochaine fois, je te fous à la porte ! Pas de ça chez moi !

-       J’ai juste effleuré mon bras avec la cigarette… je ne savais pas que ça ferait une cloque…

-       Tu m’énerves déjà ! Tu vas aller dormir dans la mezzanine ! ».

 

Je pleure.

 

J’appelle un taxi pour qu’il m’amène à la gare le 28 mars à 8h. Tu m’enlaces : « pourquoi tu pars plus tôt ? », « parce que tu te mets déjà en colère ».

 

Notre dernière soirée

 

Ce soir-là, tu m’as sorti le « grand jeux ». Tu avais décidé de ne pas jouer aux jeux vidéos et de passer du temps avec moi en me proposant de voir une série sur Netflix.

 

Nous faisons l’amour.

 

-       « Pourquoi tu ne m’as pas fait jouir ?

-       La flemme.

-       Ça ne te dérange pas que je fréquente d’autres hommes ?

-       Je ne me fais pas d’illusion, je sais que ça va arriver.

-       Mais je ne comprends pas. Tu semblais jaloux et possessif.

-       Tu sais, je n’ai jamais vraiment été comme ça ».

 

Nous avons fait l’amour une seconde fois :

-       « ma chérie…

-       Je ne suis pas ta chérie. Je ne suis pas à toi.

-       Chérie alors.

-       Non.

-       Dis-moi que tu es à moi.

-       Non. Je ne suis plus à toi ».

 

Tu sembles perturbé.

 

-       « qu’un autre homme me touche ne te dérange pas ? ».

 

Tu ne réponds pas.

 

-       « tu te remets quand en selle ?

-       Pas maintenant. J’ai besoin de faire mon deuil. Pourquoi ? Toi tu comptes te remettre en selle tout de suite ?

-       Mes copines me conseillent de vite passer à autre chose en allant dans les bras d’autres hommes.

-       Et bien c’est une connerie de faire ça ! Il faut d’abord faire son deuil ! 

-       Y’avait quelqu’un d’autre ?

-       Non.

-       Je ne veux plus que tu me contact, le temps de faire mon deuil. Laisse-moi revenir vers toi.

-       Combien de temps ?

-       Plusieurs mois.

-       C’est long !

-       Jusqu’à ce que t’imaginer avec une autre femme ne me fasse plus mal. Peut-être dans deux semaines qui sait… ».

 

Tu acquiesces. Tu y as vraiment cru ?

 

Je m’endors tôt dans tes bras. Je me réveille. Je crie :

-       « Tu es où ?

-       Je suis là. T’aime ».

 

Je suis presque sûre que tu m'as murmuré ensuite « je ne veux pas que tu partes. Reste ». Je t’ai demandé de répéter. Tu me murmures alors un vague truc qui contenait le mot « porte ». Peut-être l’ai-je rêvé…

 

 

Notre dernière nuit

 

Je me réveille en sursaut en pleine nuit. Je pleure. Tu me prends dans tes bras. Je pleure. Tu me repousses. Je pleure. Tu me reprends dans tes bras. J’étouffe, je panique, je pleure. Tu me repousses et je te repousse moi aussi de toutes mes forces. Et je ne pleure plus.

 

Je chuchote assise sur le lit :

-       « Tu m’as abandonné. Je ne te le pardonnerai jamais. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je te déteste. En fait ça n’était que du cul… tout ça pour ça… je suis conne…  je suis venue ici pour me faire larguer … je t’ai redonné une chance, je t’ai redonné ma confiance et je n’aurais pas dû … comment vais-je faire à Paris, je vais crever …  tu es capricieux, c’est moche.

-       Crève !

-       Tu as quel âge pour parler comme ça ? Trois ans ?

-       Tu as un problème, pleurer autant pour une relation de six mois, tu devrais consulter !

-       Ce n’était pas qu’une relation de six mois !

-       Ta gueule !

-       Non ! Tu es capricieux ! Tu me largues au début du confinement. Puis tu me reprends. Puis te me largue. Puis tu me reprends, tu me demandes de venir, tu insistes, je viens, puis tu me largues et tu me demandes de partir. C’est capricieux et égoïste ! »

 

Tu lèves la main pour me gifler : « Je veux dormir ! Ferme ta gueule ou tu vas t’en prendre une ! ». Le temps s’arrête. Je te dévisage. Je ne bouge plus. Tu me regardes, la main suspendue en l’air. Le regard vide. Puis, tu baisses la main. Tu t’allonges et me tourne le dos à l’autre bout du lit.  Je fais de même. Je m’allonge calmement, doucement, sans faire de bruit et je te dis d’un ton sec et pinçant : « Tu menaces de frapper une femme ? C’est à toi de consulter. Tu es un homme violent. Tu battras ta femme. Tu battras tes femmes ».

 

Tu ne réponds pas.

 

Je pleure. Je cherche tes bras. Je m’y engouffre. Tu me sers. Je m’y endors. Je me réveille en sursaut avec des « non ». Ces « non » signifiant : « Non, je ne veux pas partir ». « Non, je veux rester ». « Non, je t’aime ». « Non, l’heure tourne. C’est bientôt fini. Je ne te reverrais bientôt plus jamais ». Le réveil sonne. Je m’assois sur le lit et je prononce d’un ton résigné : « c’est terminé ».

 

Désormais, raisonne en moi ce que tu m’as dit en me quittant la nuit du 26 mars « je vais te détruire si je reste avec toi ».

 

Nos adieux

 

Ce matin, je ferme ma valise. Dieu, que je suis laide !

 

Tu me prends dans tes bras et tu me répètes inlassablement « je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé… je ne t’oublierais pas ». Je n’ai pas bougé. Je n’ai rien dit. Je n’ai pas pleuré. J’ai subi. Cognée.

 

-       « Je suis désolé pour cette nuit. Je n’aurais pas dû… je n’ai aucune excuse…

-       T’en fais pas, ça me fait du bien de te détester.

-       Alors si ça te fait du bien, déteste-moi.

-       De toute façon, c’est un sentiment, ça ne se contrôle pas. C’est comme l’amour, la haine, la tendresse, la colère…

-       Tu es quelqu’un de bien.

-       Je sais.

-       Tu es vraiment quelqu’un de bien.

-       Je sais.

-       Ok, alors tu es une connasse.

-       Je peux en effet être conne des fois… preuve en est… tout ce que j’ai oublié ici, tu peux le jeter. Je ne veux plus que tu me contacte. Ne m’envoie plus aucun message, même pour me demander comment je vais.

-       Alors promets-moi de prendre soin de toi…

-       Tu ne me dois rien. Tu n’as aucune obligation vis-à-vis de moi… et au pire, j’ai mes amis.

-       J’ai un beau dos ! Tu ne trouves pas ? ».

 

Je ne réponds pas. Je me lève. Le taxi arrive. Je ramasse par terre le bracelet que je t’avais offert pour la saint-valentin et qui est tout cassé : « tu peux le jeter » t’ai-je dit. Et tu m’as répondu sur un ton de petit garçon « non, non, je vais le réparer et je vais le garder ».

 

Le taxi est arrivé :

-       « tu veux que je reste ?

-       Bien sûr que je veux que tu restes.

-       Tu n’as qu’un mot à dire…

-       Tu plaisantes ? ».

 

J’ai faussement ri en regardant douloureusement le sol : « C’est sincère… ».

 

« Tu as encore mal au ventre ? Je vais te chercher un doliprane. Tu veux du baume du tigre pour ton dos ? Tu veux des gâteaux pour la route ? T’es sure ? Il faut que tu manges. Tu veux des cigarettes ? Tiens, voilà des cigarettes ».

 

Tu m’accompagnes au taxi. On s’embrasse pour la dernière fois. « Adieu » je te dis. Toi, tu m’as dit… « ciao », je crois … je ne m’en souviens plus. Je ne me souviens plus de ton « au revoir ». Mais je me souviens que tu l’as bégayé. Ému.

 

Me voilà dans ce taxi. Je ne comprends pas ce qui m’arrive.

 

Sur le quai de la gare, je reçois un message de toi.  Décidément ! Tu ne peux pas t’en empêcher ! Je t’ai demandé de ne plus jamais me recontacter !

 

Je le lis. Et j’ai mal. C’est un mot d’adieu contenant deux « je t’aime », un « je ne t’oublierais pas », un « notre histoire est magnifique », un « soit heureuse », un « prend soin de toi », « je suis là si tu as besoin de parler », « tu es très importante pour moi » et « je ne peux pas t’offrir l’avenir stable et construit que tu veux ».

 

Je ne réponds bien évidemment pas à ton message. Je n’ai plus rien à dire et toutes explications de toi n’auraient aucune logique.

 

 

 

Mon électrochoc

 

Me voilà de retour à Paris. Je n’ai pas de mots, pas de passé, pas de futur, juste un présent qui s’éternise sans histoire. Je suis vide. Je suis en état de choc.  

 

Je dois m’adapter au confinement parisien. Encore deux semaines.

 

Je dois ranger chez moi. Je range. Je lave. Je gratte la crasse dans chaque recoin.

 

Pourquoi ai-je l’impression d’avoir pris un grand coup sur la gueule ?

 

Il faut qu’on m’explique ce qui m’est arrivé. Je dois comprendre car j’ai du mal à mettre au clair mes idées.

 

Alors, je parle. Je raconte ces atermoiements : « je t’aime, je te quitte, je te reprends mais je t’aime, tu m’insupportes, je te quitte, je t’aime ». Puis, la menace de me frapper.

 

« Alerte rouge. La danse qu’il te propose est celle d’un homme violent. A chaque fois qu’il te récupère, il fait sauter un verrou et il est encore plus violent ».  

 

Je n’ai pas de « déclic ». J’ai un électrochoc.

 

Je rembobine le fil du temps

 

Nous deux, c’était joli. C’était fort, c’était puissant, c’était envoutant très vite. Tu courrais dans mes bras en me criant « ma chérie ». Tu me louangeais « tu aimes la musique classique ? Tu montes d’un cran dans mon estime ». En quelques semaines, tes « je t’aime » par paquet m’ont transporté. Tu voulais qu’on vive déjà ensemble et tu m’as proposé de tout quitter pour toi, « pour voir si ça marche » disais tu. Évidemment, je freinais cette fougue. Mais c’était tombé tout droit dans le cœur.

 

Je me souviens de tes messages du matin : des « cœurs », des « baisers », des « je t’aime », des « bonne journée ». Et tes appels le soir, nos discussions sans fin, mes éclats de rire, ta présence malgré la distance. 

 

Je me souviens de ta tête posée sur mes genoux dans ta voiture et de ce « je t’aime » que tu m’as plaintivement imploré.

 

Je me souviens de ton sourire quand, éblouis tu avais compris que j’étais une grande enfant qui s’entendait bien avec les petits enfants qui me collaient et me taquinaient affectueusement.

 

Je me souviens que tu étais heureux, rien qu’en me prenant dans tes bras.

 

Je me souviens combien tu aimais mes caresses, mes baisers, mes hurlements, ma soumission à nous satisfaire. Tu étais fou de mon corps, « obsédé » m’as-tu dit, « ton meilleur coup » au milieu de ton tableau de chasse qui comptait déjà du haut de ton jeune âge une cinquantaine de femmes.

 

Puis, nous avons dansé ensemble, sur une musique des Beatles dont le titre m’est parfaitement inconnu.

 

Tu m’as invité dans un restaurant trois étoiles pour m’impressionner.

 

Je me souviens que, quand je boudais, tu venais me voir, me faire rire, me rassurais et ça passait… en quelques minutes…

 

Et tu me serrais la main fort, fort fort, comme si tu ne voulais pas que je m’envole.

 

« Tu es magnifique » me disais tu. « T’aime » râlais-tu en longeant les couloirs de ton appartement. « Tu me manques » m’écrivais tu à peine partie.

 

Le cauchemar n’a pas remplacé le rêve, il l’a accompagné.

 

-       « Tu as été violée ? Tu as encore des réminiscences ? Tu as fait quoi pour t’en sortir ? Je n’aurais aucune pitié pour toi. ».

 

-       « Tu ne te sens pas bien avec moi ? Soit tu avoues que tu voulais me blesser, soit tu prends le premier billet de train pour Paris demain !».

 

-       « Tu es folle, tu es psychotique, tu es paranoïaque, tu es hystérique. Ça ne tourne pas bien dans ta tête ! ». Et tu as tapé les bouts de tes doigts plusieurs fois sur mon front. Et ça m’a fait mal.

 

-       « Mon supérieur m’a mal parlé aujourd’hui. T’es sur qu’il ne t’a pas dragué ? »

 

-       « Si le directeur général est gentil avec toi c’est pour te mettre dans son pieux ».

 

-       « Tu es vielle. Tu as des boutons de vielle. Tu as une ride là sur la joue. Tu boudes ? Tu es susceptible ! On ne peut pas plaisanter avec toi !».

 

-       « Ce matin, tu t’es mal maquillée. Les traits sur tes yeux n’étaient pas droits ».

 

-       « Quand tu souris comme ça, on dirait une sorcière. Tu es moche. Allez, casse-toi avec ton sourire de jacquouille !».

 

-       « Pourquoi tu refuses d’enregistrer mon empreinte digitale dans ton iPhone ? Tu as quelque chose à me cacher ? »

 

-       « Tu as pris du ventre. J’aime bien. Si tu grossis, tant que tu n’es pas en surpoids, ça ne me dérange pas. Je m’en fiche que tu sois une ancienne anorexique ! ».

 

-       « Je t’interdis de mettre cette robe, elle est transparente, on voit tout ! »

 

-       « Je ne te permets pas de te mettre en maillot de bain devant les collègues ».

 

-       « Tu es lâche, je ne supporte pas ça ! Tu fuis le conflit ! ».

 

-       « Tu es associable ».

 

-       « Je te pisserais dessus ».

 

-       « Si tu me trompes, je te tue ».

 

Tu coupais les liens au fur et à mesure du temps et tu vérifiais si je l’avais remarqué comme pour me punir : « tu as vu cette semaine ? Je t’ai envoyé moins de texto. Je ne t’appelle plus ».

 

Il n’y avait aucune alternative à tes disputes venteuses : je ne savais plus quoi faire.  Au début, on s’expliquait, mais nos échanges n’avaient aucun sens : « j’ai l’impression d’avoir le cerveau retourné », te disais-je, bouleversée. Si je m’énervais, tu te froissais, tu te victimisais et tu me culpabilisais. Si j’essayais calmement une conciliation, j’étais accusée d’hypocrisie. Si je te disais d’aller te calmer et de me revenir après, tu disais que je n’avais pas à te traiter comme un bébé. Si je ne parlais plus, ça te stressait « au plus haut point ». Et je me déchirais, pleurante devant cette inextricable situation.

 

Le 1er mars alors que tu avais fait l’effort de venir passer le weekend dans mon studio parisien je t’ai dit à la suite d’une chicane que tu avais enclenchée :

-       « J’ai l’impression que tu veux toujours avoir le dernier mot, que tu veux soumettre à tout prix, peu importe le contenu de la dispute.

-       Ce n’est pas qu’une impression, c’est le cas ».

 

Silence.

 

-       « Je me sens écrasée par toi. Tu te projettes avec moi ?

-       Non ».

 

Et tu es parti de chez moi en levant les yeux aux ciels, exaspéré par ma réaction de femme blessée.

 

Le lendemain déjà, tu me disais songer à rompre... mais nos « je t’aime » nous ont rattrapé.

 

La semaine chez toi avant le confinement

 

Le samedi 7 mars, on se retrouve chez toi, on s’aime.

 

Le dimanche 8 mars, je me maquille. Je me pomponne. Je me fais jolie, pour toi. On va sortir. Devant la porte, je te réclame un baiser en fermant les yeux et en tendant mes lèvres.

 

Tu me pousses pour me faire sortir : « bouge avec ton rouge à lèvre ! ».

 

Je suis choquée.

 

Je descends les escaliers. Je te regarde. Les larmes montent. Tu te précipites : « pardon ma chérie ». Je me calme. « La vache, tu es hyper fragile ».

 

Si les larmes me sont montées c’est parce qu’à cet instant précis j’avais compris qu’il fallait te quitter.

 

Je t’avais prévenu : « je te quitte au premier signe de violence ».

 

Je te savais violent. Tu me l’avais avoué tout en m’affirmant avoir réalisé un vrai travail sur toi pour calmer ton impulsivité.

 

Tu avais déjà giflé une femme, une ex qui t’avais provoqué et trompé.

 

Tu avais déjà posé un couteau sur la gorge de ton père pour qu’il te respecte.

 

Tu aimais te bagarrer et aller jusqu’à la mort ne te dérangeais pas si tu estimais que ton adversaire le méritait. D’ailleurs, tu avais déjà laissé pour mort un homme à qui tu avais cogné la tête contre un banc parce qu’il ne voulait pas te rendre ton briquet.

 

Le 15 mars 2019 un attentat a eu lieu dans deux mosquées en Nouvelle Zélande. Le terroriste a tout filmé. Tu as visionné ce film qui se trouve encore sur ton téléphone : « je n’ai rien ressenti en regardant les gens se faire tuer. Ça ne m’a fait ni chaud, ni froid ».

 

Le lundi 9 mars : je ne me souviens de rien.

 

Le mardi 10 mars au soir, sur le trottoir je suis assise sur ma valise et je cherche des hôtels de libre et un taxi. Sans succès. Il est 22 heures. J’avais oublié que je n’étais pas à Paris mais dans un trou pommé.

 

Tu me rejoins, furieux :

-       « Qu’est-ce que tu fais ?

-       Je cherche un hôtel et un taxi.

-       C’est terminé entre nous ! Tu m’as perdu. Tu m’as perdu pour toujours ».

 

Je me lève en tentant de te prendre dans mes bras :

-        « mais je t’aime moi… je suis désolée…

-       C’est trop tard ! ».

 

Je ne tiens plus debout. Je fais un malaise. Je tombe. Tu ne me rattrapes pas. 

-       « Qu’est-ce que tu fais ?

-       J’ai besoin de m’assoir.

-       Soit tu prends ton taxi et tu ne me revois plus jamais, soit tu viens avec moi en avouant avoir voulu me faire mal !

-       Je veux revenir avec toi, mais je n’avouerais pas avoir voulu te faire mal car ce n’est pas le cas.

-       Debout ! ».

 

Tu me tends la main. Je l’attrape et je me lève. Tu prends ma valise. Tu la montes chez toi. Nous nous asseyons autours de la table. Assise sur la chaise, je prends mes jambes dans mes bras.

 

-       « Arrêtons. Ça ne colle pas entre nous, ça ne « matche » pas. C’est comme ça, ça arrive. Tu as vu dans quel état tu es ? Et pourtant, je ne suis qu’à 1% de ma méchanceté ! Je risque de te détruire.

-       Ahoui… Ok. C’est terminé.

-       En fait, je ne veux pas arrêter.

-       Je ne comprends plus rien ! Qu’est-ce que tu veux ? Arrêter ou continuer ?

-       Je ne sais pas ce que je veux …

-       Oui, mais… ».

 

Je m’arrête de parler. J’ai de nouveau la tête qui tourne. Recroquevillée, je pose ma tête sur mes genoux.

 

-       « Oui mais quoi ? Pourquoi tu ne réponds pas ? Toi, c’est la comédia del arte ! Tu fais semblant d’avoir un malaise !

-       T’es un connard.

-       Oui, je suis un connard ! Et je suis fier de l’être ! Appelle les flics ! ».

 

Tu vas fumer. Tu reviens. Tu m’enlaces, tu m’embrasses : « Je ne suis pas irréprochable. Faut que ça marche entre nous. Je t’aime. Faut que tu manges ». Et tu me prépares à manger.

 

Le mercredi 11 mars, tu m’envoies un texto au travail : « tu me manques ». J’accours vers toi, heureuse et tu me dis « je suis en colère contre toi ». Alors, je te pose des questions : « pourquoi tu es en colère ? Qu’est ce qui t’énerve ? » Je ne me souviens plus vraiment pourquoi tu étais en colère, mais je sais que ça m’a fait doucement rire car tes propos et ton état me paraissaient incohérent. J’avais la sensation de parler à un enfant.

 

Il n’y avait aucune logique à ta colère et à ta tristesse, tu te racontais une histoire sombre et triste dont j’étais l’unique responsable :

-        « J’ai mal aux dents.

-       Prends rendez-vous avec un dentiste.

-       Il n’y a que ma mère, ma sœur et mon ami d’enfance qui me calment quand je suis dans cet état ; pas toi.

-       Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

-       Je ne sais pas. Tu m’insupportes.

-       Ok. Mais sans que je sache pourquoi, je ne peux rien faire pour toi.

-       Autre chose. La serviette.

-       Quoi la serviette ?

-       La serviette n’est pas rangée. Ça m’énerve. Tu n’es pas chez toi.

-       Ce n’est pas grave tu sais, ce n’est pas un motif de rupture. Je vais ranger la serviette», t’ai-je répondu en souriant tendrement.

 

En allant accrocher cette serviette dans la salle de bain je me suis dit « il est fou ».

 

Je n’oublierai jamais l’absence de vie dans ton regard vitreux ce jour-là. Il n’y avait ni froideur, ni colère, ni tristesse, ni haine, ni violence. Juste du vide. Rien que du vide.

 

Le jeudi 12 mars, tu es en colère mais tu ne prends pas la peine de chercher un prétexte. Tu avais décidé de te défouler. Je ris, je tourne en dérision tes propos tendrement, pour ne pas nous froisser.  « Tu es hystérique » me reproches tu. Et je te réponds avec toute ma douceur de femme « ah oui, c’est ça pour toi l’hystérie ? ». Alors, je cherche les définitions psychiatriques des névroses, psychoses et autres car derrière chaque mot, il y a un sens.

-       « Tu es psychotique et borderline ! 

-       Je ne sais pas. On ne m’a jamais diagnostiqué comme tel.

-       Alors, tu es lunatique.

-       Peut-être. On m’a toujours dit que j’étais dans la lune ! 

-       Moi je suis narcissique.

-       Je ne sais pas, je ne suis pas psy ».

 

L’honnêteté intellectuelle imposait le silence.

 

Tout d’un coup, tu exploses de colère. Tu me parles mal. Je ne me souviens plus du contenu, mais cela devait être encore une absurdité. Je me défends : « je n’ai pas à accepter qu’on me parle comme ça. Je ne suis plus une petite fille, je suis une femme ». Je cours dans la chambre me cacher sous la couette. Tu me rejoins.

-       «Je n’ai pas à m’infliger un homme qui ne me supporte pas. Je n’ai pas à subir ça ! Je mérite mieux. J’ai de la valeur !

-       Je ne supporte personne quand je suis en colère.

-       Je ne suis pas ton punching ball ! ».

 

Tu me secoues : « arrête de pleurer, arrête de pleurer, arrête de pleurer, arrête de pleurer ».

 

Ce vendredi 13 mars, je repars chez moi à Paris. J’ai deux marques. L’une sur le décolleté car tu as marqué ton territoire en me faisant un suçon. L’autre, sur le bras car tu me l’as serré très fort. Je me souviens uniquement avoir crié « tu me fais mal ! » et ta réponse en pouffant de rire « Ah bon ? ».

 

Le samedi 14 mars, je veux te quitter. Je n’y arrive pas. Tu le fais pour nous deux. Mais, ça m’explose le cœur… j’ai rien compris. Peut-être que ce n’est qu’un problème de communication et que nous devons juste apprendre à composer ensemble ?

 

Ces dix jours de confinement

 

Ces dix jours de confinement avec toi étaient ta vengeance. De quoi ? Je ne sais pas car c’est dans ta tête à toi que ça ne tourne pas rond.

 

Ton Chez toi, cette promesse de refuge, était en réalité un piège où tu me dévorais.

 

Tu m’insultes.

 

« Tu es débile », « tu es une mongolitos », « tu me fais chier », « tu es chiante », « tu n’es pas intelligente », « t’es conne ».

 

Le 24 avril, je te demande conciliante « mon chéri, pourrais-tu arrêter de me traiter de grosse dinde s’il te plait ? Ça me blesse », « je t’appelle grosse dinde si je veux, grosse dinde, grosse dinde, grosse dinde… tu as un gros cul ».

 

Selon toi, il y avait de  l’affection dans chacune de tes insultes.

 

Tu me dénigres.

 

« Tu m’insupportes avec ton langage de Louis XV ». Je t’ai demandé de m’appeler Louis XIV car être le roi soleil, c’est plus honorable.

 

Le 23 avril, tu amorces une dispute que j’esquive en fuyant.  La belle relation de confiance que j’avais avec le directeur général de notre entreprise, et dont tu as été le témoin, t’a menacé.  Selon toi, j’étais « hypocrite », « lèche cul » et « personne ne parle comme ça au directeur général » sauf moi. « Tu m’as fait de la peine » t’ai-je dit, « si tu n’es pas contente, tu as qu’à me quitter », « c’est constructif » ai-je répondu résignée.

 

Le 25 avril, au soir, tu m’interdis de complimenter ta mère pour ses mets délicieux. J’en ferais « trop », j’aurais l’air d’une « hypocrite ». Et de manière générale, je ne serais pas « aimable » et « normale » à cause de mon élocution. Alors, je t’explique : « « Je suis comme je suis, je plais à qui je plais » et je m’en fiche d’être dans la norme. Ça fait longtemps que j’ai abandonné l’idée d’être aimé de tous. Je suis quelqu’un de bien, je gagne à être connue, et si on pense le contraire et qu’on s’arrête à l’apparence, tant pis, on passe à côté de moi. C’est étonnant de me demander de changer pour ne plus paraitre hypocrite car là est à mon sens la vrai hypocrisie ». Ce soir-là, je t’ai refusé l’accès à mon ordinateur en invoquant des prétextes absurdes auxquels, je le sais, tu n’y as pas cru : « c’est confidentiel, c’est mon ordinateur professionnel ».

 

Tu attaques mon identité.

 

« Heil Hitler ! » : me salues-tu en ricanant. Avec un regard provocateur, tu gesticules des quenelles vantant l’humour de Dieudonné. Et tu m’expliques que, pour l’hyper cacher, c’était bien fait pour les juifs à cause d’Israël. Je t’explique, assertivement, que je ne suis pas sûre que les gens qui faisaient leurs courses pour shabbat ce jour-là avaient quelque chose à voir avec la politique d’Israël. Comment en suis-je arrivé là ?

 

Tu m'agresses.

 

Le 18 avril, nous allons nous attabler pour diner avec tes parents. Je sens une frappe derrière la tête. Je me retourne. Et je reçois une gifle. Tes parents sont choqués. Je te rends tes coups. Je sais que ça peut déraper. Mais je m’en fiche. Ma fierté m’impose de te rendre systématiquement l’injustice criante de ta violence, jusqu’à ce que tu succombes et que j’ai le dernier geste, comme pour avoir le dernier mot.

 

Le 19 avril, tu écrases ton corps sur le mien. On parle. Je ne me souviens plus de quoi. Tu cesses de parler. Tu m’écartes les jambes et tu me donnes un coup de poing au sexe. Je hurle. Tu ris. Et je te méprise : « tu te sens plus homme en frappant une femme ? ». « Oui » m’as-tu répondu, sourire aux lèvres. Tu ne t’excuses pas car tu n’aurais pas fait exprès.

 

Le 20 avril, je suis assise sur ton lit. Tu montes dessus, combatif. Tu lèves ta jambe. Tu vises mon visage avec ton pied. Je ne bouge pas. Je ne crie pas. Je te défi du regard : « si tu le fais, je ne te raterais pas ». Alors, tu dévies la trajectoire de ton pied sur le coussin posé près de moi.

 

Le 22 avril, « je ne veux pas paraitre pour un homme violent, faut pas que j’y aille trop fort » as-tu ricané. Et tu claqué deux doigts sur mon bras. Ça s’appelle une « pichette ». Je crie. Tu ris. Ne voyant pas la marque disparaitre, le 24 avril, à 12h24, je la prends devant toi en photo cette « pichette » violacée que tu m’as faite et qui était profondément creusée dans ma peau en te disant : « C’est pour pour garder des preuves ». A l’heure où j’écris ces lignes, j’ai encore la marque de cette pichette sur le bras et cela fait déjà plusieurs mois… j’espère qu’elle va disparaitre.

 

Le 25 avril, en pleine nuit, je me réveille en sursaut car ton chien aboie sur mon chat. Pour calmer mon sursaut, tu poses ta main sur mon ventre. Le geste était bienveillant. Alors, je me dis que, non, tu ne peux pas vouloir me faire du mal puisque tu viens de me sécuriser. Je suis rassurée. Sauf que, ce matin-là, ton chien aboie de nouveau sur mon chat. Et je reçois une gifle. J’hurle : « mais tu m’as fait mal ! ». C’est avec ton regard vitreux que tu me demandes « pourquoi tu ne vas pas te balader ce matin ? Toi qui adore ça. ».  Cette journée-là, tu as transpiré la gentillesse et tu as dégouliné d’attentions avec ton regard vitreux.

 

J’ai tourné mille fois dans ma tête la précision de ton geste en essayant de le comprendre. Je l’imitais et je le répétais de ma main droite, seule, au milieu de tes trois cents hectares en arrivant toujours à cette conclusion : la gifle est trop parfaite pour ne pas en être une. Quelle est ton excuse ? « Je ne m’en souviens plus » m’as-tu dit. Alors, c’est moi qui t’ai trouvé une excuse : « tu n’as peut-être pas fait exprès ». Je ne concevais pas le mal en toi contre moi. Je ne t’avais rien fait…

 

Le 27 avril, au cours de notre dernière nuit, tu m’as fait courir le risque de tomber enceinte de toi par deux fois, et ceci malgré mes « non » que tu n’as pas daigné écouter pour te soulager.

 

Au sommet de ma montagne

 

Je suis assise au sommet de ma montagne. Plus rien ne me touche, plus rien ne m’atteint. Pas toi, pas ces coups, pas tes insultes, pas ce confinement pas cette foutue pandémie, pas cette prison de trois cents hectares, pas les tiques de ton chien qui couraient dans nos draps.

 

Je fuis ta sombre chambre, ces sombres paysages, cette voiture accidentée et abandonnée dans un coin  de verdure, tout comme cette roulotte, les ânes de ta mère qui se laissaient vivre, ce lac artificiel, cette immense forêt qui servait de tombe aux animaux sauvages car chassés par ton père et sa bande de prédateurs.

 

Je suis sur cette montagne, au milieu de nulle part, tout là-haut, réfugiée dans cette liberté. L’immensité du monde me pénètre.

 

Je ferme les yeux sur cette montagne, assise telle une indienne. Je sens un vent frais me caresser la joue. Je souffle, j’inspire, j’expire, je respire, je soupire. J’entends le bruit des feuilles qui s’agitent et je sens l’odeur de l’herbe mouillée.

 

Pour arriver tout là-haut sur cette montagne, j’ai beaucoup marché. Me voilà récompensée !

 

Et tout d’un coup, j’entends la voix de ta mère chanter : « elle descends de la montagne à cheval ».

 

A contretemps sur ton tempo

 

Le tempo de la danse que tu menais : « une humiliation, un je t’aime, un dénigrement, un ma chérie, une frappe, une enlaçade ». Et puis après, plus aucun mot doux, plus aucune tendresse, juste des attaques. Et parfois, des « désolé ».

 

Je dansais à contretemps sur ton tempo.

 

Je restais stoïque en ne te dévoilant jamais ma peur, ce petit sursaut que je ressentais dans mon estomac quand tu m’attaquais. Montrer ma peur, c’était pour moi le début de la soumission, ce que je ne voulais surtout pas.

 

De la colère, je n’en avais pas. Si j’en avais eu, je serais partie…

 

Je voguais entre le mépris et l’amour. Dans chacun de mes cris ou de mes silences suite à tes actes, dans chacune des limites que je ne désespérais pas à te faire respecter, j’affirmais une partie de moi, la femme que j’étais et qui se débattais. Je te résistais. C’est précisément ça que tu ne supportais pas chez moi. Mes bouderies enfantines que tu détestais tant n’étaient qu’un prétexte pour me faire porter la responsabilité des conséquences de tes actes.

 

Mais tu m’éteignais. Trop d’informations contradictoires en trop peu de temps que mon esprit n’arrivait pas à concevoir. Je n’arrivais pas à rassembler ces bouts d’information pour les placer dans l’ensemble auxquels ils appartenaient : la violence.

 

Je me répétais : « je ne veux pas subir ça toute ma vie. Comment je vais faire ? Je n’arriverai jamais à le quitter… ».  Je me sentais perdue, piégée, confinée avec ton toi monstrueux.

 

Quand tu m’as larguée tu m’as dit : « tu verras, tu me remercieras de t’avoir quitté ».

 

En effet. Merci. Mais pas pour les raisons auxquelles tu penses. Tu croyais me faire grâce en m’offrant la chance de trouver « l’amour pérenne », un « avenir stable et construit ». C’est bien plus que ça.

 

Tu m’as échappé bel !

 

Du « toi », du « moi », du « nous » à l’« autre »

 

« J’en ai marre d’être un toutou » me disais-tu en voyant ta faiblesse de m’aimer, de me revenir, de me retenir. « Je t’aime, mais c’est narcissique » me disais tu.

 

Dans le « nous » c’est « toi » que tu aimais, pas « nous » et encore moins « moi ».

 

Tu voulais que je réfléchisse un « beau toi ». Pour cela, je devais accepter ta violence, me maquiller, te remercier, m’apprêter, devenir transparente, sourire, et disparaitre en toi, riante. Et, avec tout ça, il te fallait que je sois aussi garce en te laissant m’emporter dans tes colères pour donner de la matière à ton jeu sadique contre moi et continuer à t’aimer malgré toi.

 

Mais, je n’ai pas renoncé à moi. Je n’ai jamais voulu cesser d’être ton égale.

 

« Moi », je ne voulais pas lâcher mes valeurs et « toi » tu m’y poussais : pas d’attaques personnelles, physiques et sur le physique, pas d’insultes, pas de stériles conflits, pas de dépassement de limites. Tu m’entrainais dans ta merde humaine, ça puait, je me débattais.

 

Mon humanité te piquait car elle t’était impossible à comprendre, « toi » l’intelligent, le brillant, le surdoué au QI hors norme ! Ça t’échappait. Je t’échappais. Ça t’insupportait.

 

Il y a deux « toi ». Je n’en ai aimé qu’un seul bien que ta fragilité nourrissait mon instinct maternel insatisfait. Je voulais t’enlacer, te protéger, t’embrasser, te combler, t’aimer, te réparer à coup de tendresse et d’humanité. Mon amour tout entier était insuffisant.

 

Mais le « toi » que j’ai aimé, a-t-il vraiment existé ?

 

-       « Chérie, tu penses que je suis un pervers narcissique ?

-       Tu n’arrives même pas à la cheville des pervers narcissique ». 

 

Le pervers narcissique, si tant est que ce pattern existe, est plus fin, plus subtile, plus nuancé. Et son masque, il peut le garder très longtemps dans le contrôle et le calme le plus parfait. Il n’aurait pas lâché sa proie avec autant de brutalité rendant impossible tout retour en arrière.

 

Je me questionnais : qu’est ce qui ne tournait pas rond chez « moi » face à « toi » ? Comment faire pour ne plus t’énerver ?

-       « Chéri, tu crois que je suis autiste asperger ?

-       Impossible. Les autistes sont intelligents ».

 

Je te vois froid. Insensible. Malveillant. Impulsif. Calculateur. Apathique. Fou. Psychotique. Paranoïaque. Sociopathe. « Aucune pitié » m’as-tu dit un jour. Vide.

 

Je me voie chaleureuse. Hypersensible. Bienveillante. Conciliante. Entière. Empathique. Fragile. Écorchée vive. A vif. Habitée par le syndrome de Stockholm. Pleine.

 

« Nous » étions deux êtres totalement antinomiques et « nous » étions totalement déséquilibré tout en se complétant.

 

Je vois désormais en « toi » cette violence froide et calculée dans le but ultime de me blesser : c’était gratuit. Chacun de tes actes pouvaient se noyer dans des justifications saugrenues : « nous » en avons trouvés pour « toi » et pour « moi ». Mais, lorsque tu m’as menacé frontalement de m’en foutre une, j’ai vu le véritable « toi » rendant le « nous », passé, présent et futur, dégueulasse.

 

Ce devait être bien difficile pour « toi » de garder ton masque social pour « moi » pendant plus de deux jours. Devant l’« autre » qui était « moi » tu n’as pas réussi à confiner cet « autre » qui était « toi ».

 

L’hypocrite, c’est « toi ». L’associable, c’est « toi ».

 

Le lâché prise

 

Alors, avec « tout ça », je me pose une question. Pourquoi as-tu lâché prise sur ta prise ? La logique aurait voulu que tu me tiennes encore.

 

Certaines femmes me disent que c’est parce que tu avais peur de me détruire. Je lève mon verre à ces délicieuses femmes qui voient en la bête une parcelle d’humanité ! Je suis l’une d’elles.

 

Les hommes sont plus tranchants et sans doute bien plus raisonnables : je n’étais pas suffisamment malléable, j’avais de l’expérience. Surtout, ton anti-sociabilité rendait intolérable ma présence sur ton territoire.

 

Dans toute la merde que tu m’as faite subir, une seule chose m’a réellement fragilisée, ce que tu n’as d’ailleurs pas manqué de me faire remarquer la première fois où tu en avais parlé le 15 février : la rupture.

 

Là où je perdais pied dans ta danse c’est quand tu m’abandonnais avec des « je t’aime ».

 

Quand tu me reprenais avec des « je t’aime », j’étais prête à toutes les folies. Car je t’aimais sincèrement.

 

Ça, tu l’as très bien compris.

 

Le lâché prise sur ta prise fait partie de ta danse, celle de l’homme violent qui, à chaque reprise, dépassait une nouvelle de mes limites en montant toujours plus d’un cran. Sous une musique de violence verbale et psychologique, tu démarrais la violence physique.

 

Ton dernier message, nous idéalisant à grand coup de « je t’aime », c’était ta porte pour revenir, un jour. Tu n’as pas lâché prise sur ton emprise.

 

La rupture : mon point faible. Mais ce point faible est aussi devenu le tien.

 

Lorsque j’ai décidé d’arrêter cette danse en refusant de répondre à ton dernier message et en te bloquant de toute part, j’ai repris mon souffle.

 

J’ai pris le temps de mettre des mots sur cette histoire, d’affronter mon ambivalence face à toi et de me la pardonner. Ma chance à moi est d’avoir cherché à comprendre, d’en avoir parlé, d’être entourée par des êtres suffisamment bons et intelligents pour m’avoir fait réaliser ton étreinte dans le cycle de la violence. Ma chance à moi est de me redonner la valeur que tu as vainement tenté d’aspirer.

 

Je ne te laisserai plus jamais revenir. Je n’ose imaginer le prochain cran toujours proportionnel à la violence de la rupture. Désormais, c’est une question de survie. Moi aussi, j’ai lâché prise.

 

Te souviens-tu qu’un jour je t’ai dit défiante : « tu ne me détruiras jamais » ?  Dans le contexte de la pandémie, tu as failli le faire et failli à le faire.

 

Je me sens bien mieux loin de toi, loin de tes invectives, loin de ce « couple » toxique impossible à sauver.  

 

Adieu. Ce fut bref, mais très intense. Et dieu merci, ce fut bref.

 

 

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